🤥 Faux souvenirs : menteur malgré vous ?
🕵️♀️ Vous pourriez témoigner avec conviction d'un événement qui n'a jamais eu lieu. Explorez le phénomène des faux souvenirs et ses conséquences sur notre perception de la réalité.
Pour briller en soirée 💡
Voir une photo truquée peut nous faire "inventer" un faux souvenir. 📸
Des scientifiques ont réussi à créer de faux souvenirs chez des souris en jouant avec leur cerveau. 🐭
Les faux souvenirs activent les mêmes zones cérébrales que les vrais, les rendant indiscernables pour le cerveau.🔄
Ces découvertes sont importantes pour la justice, car les témoignages peuvent être faux sans que la personne ne mente.⚖️
Les faux souvenirs
Manipulateur, fabulateur, menteur ou phénomène de psychologie cognitive ? Les faux souvenirs sont au cœur de notre sujet du jour. Nous avons tous au cours de nos vies, modifié des souvenirs en les racontant, souvent par inadvertance ou pour les embellir.
Le faux souvenir c’est l’étape suivante. Notre conscience ne fait désormais plus la distinction entre le souvenir originel et notre version des faits, et son nouveau récit fait alors partie intégrante de notre système de mémoire et de représentations.
Ces souvenirs, qui peuvent être des distorsions ou des fabrications complètes d'événements, posent des questions fascinantes et cruciales pour la psychologie, les neurosciences et même le système judiciaire comme on vous l’expliquera plus tard.
Cet article explore les études scientifiques récentes sur les faux souvenirs, en mettant en lumière les découvertes majeures et leurs implications.
INFORMATION : Le ton du jour sera volontairement un peu moins léger que d’habitude car les questions posées par les phénomènes de modification de la mémoire et les conséquences des créations de faux souvenirs nous semblent des sujets un peu plus sérieux que d’ordinaire !
Faux souvenir, kézako ?
Un faux souvenir est un phénomène psychologique où une personne se souvient d'un événement qui n'a jamais eu lieu ou qui est sensiblement différent à ce que la personne a retenu.
Ces souvenirs peuvent être des distorsions de la réalité ou des fabrications complètes, souvent influencées par des interprétations un peu trop poussées.
Contrairement à une caméra vidéo qui enregistre fidèlement tout ce que l’on expérimente, notre mémoire est dynamique et reconstructive, intégrant des éléments du présent avec des souvenirs passés .
Pour mieux comprendre comment peuvent apparaître des faux souvenirs en lien avec notre vécu, revenons rapidement sur le fonctionnement de notre mémoire dite autobiographique.
Malgré les idéaux, notre mémoire ne fonctionne pas comme une bibliothèque où nous viendrions collectionner des archives claires et précises dès lors que l’expérience vécue devient souvenir.
La mémoire est bien plus dynamique.
Nos souvenirs sont stockés sous la forme trace de représentations.
Ces traces sont sujettes à des modifications apportées par ce que nous vivons au quotidien. Notre mémoire est donc constamment remodelées par notre expérience et perçues assez subjectivement selon l’émotion ressenti au moment du rappel.
Imaginez que votre mémoire est comme un grand livre dont vous êtes l'auteur.
Chaque souvenir ou connaissance est une page sur laquelle vous écrivez. Au fil des jours et de vos expériences, vous revenez sur certaines pages pour y ajouter des éléments, modifier quelques phrases, mettre en valeur certains passages avec des couleurs selon vos émotions du moment.
Ce processus fascinant est influencé par une multitude de mécanismes complexes de perception, d'encodage, de stockage et de rappel de l'information.
À chaque étape de ces processus, des erreurs peuvent survenir, certaines conduisant à la formation de faux souvenirs.
Manipulateur de mémoire
Les témoignages comportent souvent des erreurs suivant la manière dont les questions sont posées. La psychologue Élisabeth Loftus a beaucoup travaillé sur l’induction de faux souvenirs chez des sujets sains, pour démontrer l’impact de la suggestion sur notre mémoire.
Imaginez-vous rencontrer Bugs Bunny, le célèbre personnage de dessin animé, lors d'une visite au parc Disneyland. (euhh Bugs Bunny c’est pas les studio Warner ? Si, rien à voir avec Disney. Et justement !)
Et bien, des chercheurs, sous la direction d’Élisabeth Loftus, ont réussi à implanter de tels souvenirs complétement erronés.
Pour cela ils présentaient à des sujets une publicité du parc Disneyland où Bugs Bunny avait été malicieusement ajouté. Ces mêmes sujets passaient ensuite un journée à Disneyland, en profitant des meilleures attractions.
3 mois plus tard, ils ont été interrogés sur leurs souvenirs de cette journée en immersion.
Étonnamment, entre 25 % et 35 % des participants ont affirmé se souvenir avoir croisé Bugs Bunny lors de leur visite à Disneyland, certains allant même jusqu'à prétendre lui avoir serré la main (62 %) ou l'avoir pris dans leurs bras (46 %).
Ces expériences ont révélé l'incroyable pouvoir de la suggestion dans la création de faux souvenirs, un phénomène qui a été reproduit dans plusieurs études.
Les études les plus marquantes sont celles où l’on présente aux participants des fausse photos souvenirs.
Maintenant, imaginez maintenant une photo de votre visage, prise lors de votre jeunesse, insérée dans la nacelle d'une montgolfière, bien que vous n'ayez jamais voyagé ainsi. Vous êtes ensuite invité à vous remémorer ce prétendu voyage en montgolfière, en fournissant autant de détails que possible. Après seulement deux sessions, la moitié des participants (51%) pensaient réellement se souvenir de cette expérience d'enfance. Un effet étonnant, mais démontré à maintes reprises dans différentes études : les souvenirs rapportés par les participants peuvent être fortement influencés par des suggestions lors des entretiens.
Affolant non ?
De nombreux autres exemples sont disponibles dans les ouvrages réalisés par la psychologue anglo-saxonne.
La création de vrai “faux souvenirs”
A la suite des observations psychologiques, les scientifiques ont cherché à mieux comprendre le circuit cérébral mis en jeu dans la création d’un faux souvenirs.
Dans une étude révolutionnaire publiée dans la prestigieuse revue Science, une équipe de chercheurs s'est plongée dans le monde fascinant de la mémoire des souris. Dirigée par le professeur Tonegawa, l'équipe a réussi à manipuler les souvenirs des souris en manipulant délicatement les cellules de l’hippocampe, région responsable de la mémoire à long terme.
Ces chercheurs ont programmé ces cellules pour qu'elles puissent répondre à des pulsions lumineuses afin de pouvoir les manipuler. Ils ont tout d'abord placé ces souris dans une boîte A représentant une zone sans aucun danger.
Les rongeurs ont ensuite été mis dans un environnement totalement différent, la boîte B, où les auteurs de l'expérience ont réactivé la mémoire de la boîte A avec des pulsions lumineuses sur les cellules de l'hippocampe de ces souris.
Ils ont en même temps provoqué un léger choc électrique sous leurs pattes, créant un lien entre cette expérience désagréable et le souvenir réactivé de la boîte A (le faux souvenir) . Quand ces animaux ont été replacés dans la boîte A, où rien de néfaste ne s'était réellement passé, les chercheurs ont constaté que ces animaux étaient effrayés.
Xu Liu, chercheur au MIT et coauteur de l'étude, a noté que le rappel de ces faux souvenirs active les mêmes centres de la peur dans le cerveau, les rendant indiscernables des souvenirs réels de situations effrayantes
.
Fascinant et effrayant ? Les faux souvenirs sont donc issus de l’interaction entre notre système de mémoire, nos émotions et notre système de représentation.
Des souris et des hommes
Les recherches sur les faux souvenirs chez les souris ont des implications importantes pour les humains. Les mécanismes neuronaux sous-jacents du rappel d’un souvenir sont les mêmes chez les deux espèces, ce qui permet d'extrapoler certaines découvertes .
La confabulation, définie comme la survenue de souvenirs d’événements qui n’ont jamais eu lieu, est souvent liée à des lésions hippocampiques, même région explorée lors de l’étude effectuée chez les souris.
Par exemple, une étude a démontré que l'administration de propranolol (un médicament qui permet d’inhiber certaines fonctions biologiques) pendant la reconsolidation d'un souvenir pouvait atténuer efficacement la composante émotionnelle des souvenirs, induisant la guérison de 70 % des patients traités.
Pour mieux comprendre cette étude, imaginez l’un de vos mauvais souvenirs connotés par une émotion négative (stress, colère, peur). Votre souvenir de cet évènement est forcé influencé par le poids de votre émotion. Dans cette démarche, l’utilisation du propranolol pourrait permettre de vous restituer ce même souvenir, sans une grande partie de l’émotion associée et d’être au plus proche de la réalité !
Les travaux de recherche sur les faux souvenirs pourront donc permettre dans un futur proche de proposer de nouveaux traitements pour des patients atteints de graves troubles de la mémoire ainsi que certaines maladies mentales.
Démêler le vrai du faux
La deuxième grande implication des travaux sur les faux souvenirs nous amène vers le système judiciaire.
Cette fois-ci on quitte le domaine de la biologie pour se rapprocher de celui de la psychologie.
Les études psychologiques ont remis en cause la fiabilité des témoignages, en montrant que des mécanismes de désinformation pouvaient être implantées en mémoire, notamment à travers les suggestions.
Ces découvertes ont suscité de nombreux débats et ont conduit à des améliorations dans les techniques de recueil de témoignages .
Notre chère Elizabeth Loftus est elle même une grande actrice de ce grand débat. Basé sur ces recherches, elle a répertorié 200 accusations erronées fondées sur des faux souvenirs. La preuve de leur innocence a été apportée plus tard par des analyses ADN
.
Elle a enfin eu un rôle fondamental sur les questions de mémoire “refoulée”, où des potentielles victimes de manipulation effectuent des témoignages tardifs sur des traumatismes passés.
Les avancées en neurosciences ont permis de mieux comprendre les mécanismes des faux souvenirs, offrant des perspectives prometteuses pour le traitement des troubles de la mémoire et des maladies mentales.
La compréhension des faux souvenirs reste un enjeu scientifique majeur, avec des retombées sociétales importantes, notamment dans le domaine judiciaire .
En somme, les faux souvenirs ne sont pas seulement des curiosités psychologiques, mais des phénomènes complexes qui touchent à la nature même de notre mémoire et de notre perception de la réalité.
Bonne soirée !
Cérébralement vôtre,
Bertrand 🧠✨
L’énigme de la semaine !
L’énigme de la semaine dernière était :
Je dois être cassé pour être utilisé. Qu'est-ce que je suis ?
Et la réponse était : un œuf
La nouvelle énigme est : 👇
Je suis toujours affamé, je dois toujours être nourri. Le doigt que je touche aura bientôt rougi. Qui suis-je ?
Disclaimer : Les informations présentées dans cette newsletter s'appuient sur des recherches scientifiques. Cependant, les résultats ne sont pas des certitudes absolues et représentent parfois des corrélations sans prouver de causalité directe. La science des neurosciences évolue constamment. Ces conseils sont des pistes de réflexion à considérer avec esprit critique.
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